Coulisses de l’enquête « Logements étudiants à Bordeaux : on n’est pas sortis de l’auberge »

À quelques mois de la rentrée universitaire 2023, nous sommes parties enquêter sur la crise des logements étudiants bordelais. Découvrez notre enquête…

Genèse de l’enquête

Nous-même étudiantes de la métropole bordelaise, nous nous sommes posées une question : comment se loger à Bordeaux à moindre frais, tout en pouvant se rendre sur son lieu d’étude le plus rapidement possible ?

Ces deux questions sont celles que se posent les étudiant·es lorsqu’ils·elles cherchent un logement, comme l’indique une étude réalisée par la Coordination de Convention Territoriale (CCT) en 2020 – 2021.

À partir de ce questionnement, nous avons défini ce que nous cherchions, et l’avons ensuite établi dans un tableau prospectif : un tableau d’horizon. Ce tableau guide toutes nos recherches et nos objectifs pour l’enquête.

Initialement, nous voulions enquêter sur les conditions de vie des étudiants en fonction de leur logement. Nous nous posions ainsi les questions suivantes dans notre tableau d’horizon : quel coût représente leur logement ? Quelles difficultés rencontrent-ils pour trouver leur logement ? S’agit-il d’une offre de logements saturée ? De critères d’accès aux logements CROUS trop compliqués ? Quels services se trouvent à proximité de leur logement (laverie, bibliothèque, accès aux soins médicaux, etc.) ? À quelle distance leur campus universitaire se situe-t-il de leur logement ? Leur logement est-il bien desservi par les transports ?

Au fur et à mesure que nous avancions dans notre recherche de données,  nous avons réalisé qu’il ne nous serait pas possible d’obtenir des jeux de données aussi précis, et de réaliser une telle enquête en si peu de temps. Par conséquent, nous avons changé notre approche : nous nous sommes focalisées uniquement sur l’accès au logement pour les étudiant·e·s en fonction du coût et de la distance avec leur campus.

Division des tâches

Après avoir soulevé les questions fondamentales de notre enquête grâce au tableau d’horizon, nous nous sommes divisées en deux groupes afin de tâcher d’y répondre. Le premier groupe, celui chargé de la documentation, était composé de Sara, Kim et Manon. Elles devaient trouver des renseignements pour notre enquête concernant :

  • Le nombre d’étudiant·e·s précis de Bordeaux Métropole – combien d’étudiant·e·s en métropole, et quelles évolutions du nombre d’étudiants ces dernières années ?
  • Qu’est-ce qu’une « bonne qualité de vie » ? Qu’est-ce qu’un logement décent – selon la loi SRU ? Nous avons défini tous les termes qui englobent notre sujet. Nous en avons conclu que l’élément primordial pour une bonne qualité de vie étudiante vis-à-vis du logement était celui du temps de transport jusqu’au lieu d’études.
  • Quelles initiatives de la part des pouvoirs publics (État, mairie, région), au courant de la problématique des logements étudiants à Bordeaux depuis plusieurs années maintenant, ont été prises ? 

Le deuxième groupe, à savoir Léa, Izia et Anaëlle, était chargé de contacter :

  • Des étudiants, pour obtenir leurs témoignages ;
  • Des élus de la mairie de Bordeaux et de Bordeaux Métropole en charge de l’habitat et/ou membres de la commission Stratégies urbaines, aménagement, logement et habitat ;
  • Des associations étudiantes : l’ACLEF (interview avec Anaïs Crêtaux, gestionnaire locative à l’ACLEF), Vivre Avec (interview avec Mme Bélando, coordinatrice de l’association), Le Poing Levé (nos sollicitations sont restées sans réponse) ;
  • Les universités (Université Bordeaux Montaigne) ;
  • Des experts en urbanisme (Camille Garcelon, de l’A’urba, cheffe de projet de l’étude “Le logement des étudiants dans Bordeaux Métropole” de janvier 2021. L’interview était prévue, puis finalement refusée.)
  • Le CROUS, avec une visite de notre part directement sur place, à leur centre d’administration. Leurs salariés nous ont opposé un refus : les personnes touchées doivent attendre le feu vert de leur direction pour nous répondre, ce qui prend du temps – trop pour notre enquête.

A l’issue de cette première journée de recherches et de documentation, nous avons pu créer nos premiers tableaux de données à partir de nos tableaux d’horizon. Nous avons aussi commencé la rédaction de notre séquençage : la structure pour la rédaction, mais aussi les évolutions de notre enquête long format. En d’autres termes, son récit. 

Pour la répartition des rôles, nous nous sommes organisées ainsi :

  • Séquençage détaillé : Sara ;
  • Prises de contact : Anaëlle, Léa & Izia ;
  • Référentes données (data) : Kim & Manon ;
  • Renfort data : Léa ;
  • Cartographies et infographies : Kim & Sara ;
  • Making-of : Kim & Manon.

Méthodologie DATA

Nous avions en premier lieu besoin de récupérer des jeux de données afin de pouvoir les travailler dans notre enquête. Les données dont nous avions besoin étaient les suivantes : les prix moyens par m² des logements étudiants, le nombre disponible de logements dans le parc privé locatif diffus et le prix mensuel des logements CROUS. 

Nous avons donc pris un temps de recherche et de récupération de la donnée : prises de contacts pour obtenir des jeux de données, recherches d’études (INSEE, Open Data.gouv, Open Data Bordeaux Métropole, enquêtes de médias, etc). Nous les avons ensuite collectées et organisées dans un tableur. Il s’agissait d’essayer de visualiser le fonctionnement de ces tableurs, quelles étaient les catégories importantes à garder et à préciser par colonne, etc.

Nos sources principales

Les principaux jeux de données fondamentaux de notre enquête sont : 

  • Le dossier des prix des logements CROUS (septembre 2022)
  • Le prix des loyers au m2 par commune (mis à jour en avril 2023) 
  • Les moyennes du nombre de loyers mis en location dans le parc privé diffus (mises à jour en décembre 2022) 

Chaque jeu de données correspond à un tableau de données réalisé, auquel nous avons ajouté un tableau de l’évolution du prix du loyer médian au m2 à Bordeaux Métropole, entre mars 2015 et mars 2023.

La difficulté ici était pour nous de rester concentrées pour ne pas fausser toute la réflexion qui allait en découler ensuite (rentrer les données exactes, choisir la même typographie pour le tableur – majuscules, tirets, points, etc.).

Nettoyage des données

Nous avons ensuite effectué un travail de nettoyage de données. Nous avons par exemple repéré un problème lors des récupérations des données sur le nombre de loyers du parc privé diffus. Il manquait quatre communes, que nous avons pu rajouter. De même avec la récupération de certains chiffres de l’INSEE sur la concentration des étudiants selon les quartiers. Nous avons ensuite filtré les données récupérées avec les codes EPCI (Établissements Publics de Coopération Intercommunale) de la Métropole. Un autre exemple de nettoyage de données : celui de séparer longitude et latitude pour les coordonnées GPS afin de simplifier le travail d’entrée des données sur les cartes.

Un témoignage de Sara : “J’ai dû faire un tri des données car certains tableaux de données trouvés comportaient des catégories qui ne nous intéressaient pas.”

Traitement des données

Un des plus gros travaux de traitement des données a été la création de notre base de données sur les temps de trajets en voiture et en transports en commun entre les campus et les différents quartiers des communes de la métropole bordelaise, pour une arrivée à 8h sur chaque campus (l’heure de début des cours en général, et de forte affluence). Nous avons d’abord récupéré le recensement de la population 2019 de l’INSEE, que nous avons ensuite filtré à l’EPCI de la métropole bordelaise. À partir de là, nous avons pu récupérer le nom de chaque quartier des communes de la métropole, puis commencer à créer notre tableau de données.

Nous avons fait, pour chaque quartier, le choix d’un point central sur celui-ci pour déterminer la distance. Notre démarche se rapproche de celle du journalisme de solution, car ces informations ont été recoupées, pour le parc privé locatif, avec les prix au m² des appartements dans chaque commune, afin que l’utilisateur (étudiant.e) puisse utiliser notre outil (type histogramme) en comparant les temps de trajet moyen pour chaque commune en fonction du campus auquel il·elle est accepté·e. L’utilisateur·trice peut aussi survoler la carte des logements CROUS disponibles, avec leur localisation et leur prix.

Présentation des données : cartographies et infographies

Pour cartographier les quartiers et rendre visible les différentes situations auxquelles peuvent faire face des étudiants en fonction de leur lieu d’étude et des prix moyens selon les quartiers, Sara a récupéré des fonds de cartes sur Open Data Soft avant de faire un transfert sur Flourish.

En plus de cette carte, nous avons réalisé cinq graphiques différents sur Flourish : histogrammes, cartes, graphiques classiques… avec à chaque fois un important travail de justesse et surtout d’adaptation des données.

Nous avons ensuite mené un travail de traitement quartier par quartier sur UMap (concernant le temps de transport), une carte fonctionnant de pair avec les différentes simulations de profils d’étudiants. Un travail important a aussi été réalisé concernant l’identité visuelle et graphique (décor sur le thème de l’urbain et de l’immobilier, avatars des étudiants…).

Concernant les histogrammes des temps de trajet, un travail important a été réalisé pour les temps de trajet vers les campus par Kim. Depuis le tableur du temps de trajet par quartier de chaque commune (grâce à la base infracommunale de l’INSEE), nous avons calculé les moyennes en voiture et en transports en commun du temps de trajet par commune (en prenant les temps minimum et maximum de chaque quartier dans les communes, pour se rendre sur le campus – formule “=MOYENNE”). Ces deux moyennes sont ensuite présentées dans l’histogramme en divisant chaque barre en deux parties distinctes : le temps de trajet moyen en voiture et le temps de trajet moyen en transports en commun. Chaque rectangle équivaut à une commune, il y a donc 28 barres visibles par histogramme.

Dessin : Pro Create

Infographie : Genialy, Pro Create & Flourish

Cartographie : Genialy, Opendatadoft, Flourish, Umap, GeoJSon

Difficultés rencontrées

Notre groupe a dû faire face à de nombreuses difficultés, à commencer par un changement de sujet (dûment anglé) juste avant le démarrage de la semaine DATA : nous nous étions d’abord renseignées sur le potentiel changement du montant des subventions de la DRAC aux associations du spectacle vivant suite au passage aux grandes régions. Malheureusement, le responsable du Pôle Observation de l’Agence Culturelle, Thomas Vriet, nous a fait savoir qu’il leur était impossible de nous remettre le jeu de données des aides publiques allouées aux associations et structures culturelles de la Nouvelle-Aquitaine : “Le spectacle vivant n’est pas repérable dans les comptes administratifs, le détail des subventions non plus”, nous a-t-il confié, alors que ces données sont censées être publiques.

Face à cela, nous nous sommes tournées, comme indiqué plus haut, vers notre sujet actuel, celui de savoir quelle commune allie le mieux qualité de vie et loyer abordable pour les étudiants, sur Bordeaux Métropole, en 2023.

Le problème le plus important et récurrent rencontré cette semaine fut le manque de retour de la part des intervenants contactés : seuls les étudiants et les associations ont donné suite à nos demandes lors des trois premiers jours. Au quatrième jour, des membres de la présidence de l’Université Bordeaux Montaigne et des élus de Bordeaux Métropole ont accepté de nous répondre. Kevin Dagneau, vice-président de la vie étudiante à l’UBM, nous a accordé quelques minutes d’interview par téléphone, avant de nous envoyer par mail l’enquête “Logement étudiant 2021/2022” menée par la Convention de Coordination Territoriale (CCT) regroupant sept établissements de l’enseignement supérieur en Nouvelle-Aquitaine, dont l’Université de Bordeaux et l’Université Bordeaux Montaigne. De cette étude ont été identifiés des chiffres intéressants. À la fin du quatrième jour, les réponses de Christine Bost, vice-présidente de Bordeaux Métropole en charge du logement et de l’habitat, de Baptiste Maurin, adjoint au Maire de Bordeaux et conseiller métropolitain délégué à la recherche, à l’enseignement supérieur et à la vie étudiante, mais aussi de Patrick Craveri, chargé de mission ingénierie logement et nouveaux modes d’habitat, nous ont apporté de nouvelles données chiffrées et des informations supplémentaires sur la politique de la ville et les moyens d’action mis en place concrètement.

Sources et biblio-sitographies

Études

  • Université Bordeaux Montaigne – Observatoire des étudiants, “Enquête Logement Étudiant 2021/2022 – Quelle est la situation des étudiants face au logement ?”, Convention de Coordination Territoriale [en ligne ici]
  • Coordination territoriale des études et enquêtes, “Les étudiants inscrits dans les universités et écoles signataires de la CCT – Effectifs et profils”, Université de Bordeaux, avril 2020 [en ligne ici]
  • A’urba, Observatoire de l’habitat et des modes de vie, “Le logement des étudiants dans Bordeaux Métropole”, janvier 2021, [en ligne ici]
  • Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, « Atlas Régional Nouvelle-Aquitaine : effectifs d’étudiants en 2019-2020 », 3e trimestre 2021 [en ligne ici]
  • Le département de Gironde, le Préfet de Gironde, “Le Plan Départemental de l’habitat de la Gironde, Cahier de territoire de l’aire métropolitaine bordelaise”, mai 2015 [en ligne ici]
  • Bordeaux Métropole, Plan Local d’Urbanisme, PLU 3.1, “Portraits communaux habitats”, juillet 2015 [en ligne ici]

Données récupérées

  • CROUS, “Tarifs hébergement au 1er septembre 2022”, 2022 [en ligne ici]
  • Le Figaro Immobilier / Yanport, “Prix m2 immobilier à Bordeaux en avril 2023”, [en ligne ici]
  • Agence Nationale pour l’Information sur le Logement (ANIL), « Carte des loyers » – Indicateurs de loyers d’annonce par commune en 2022”, “Indicateurs de loyer appartement de 1 ou 2 pièces” et “Indicateurs de loyer appartement”, 2022 (mise à jour : décembre 2022) [en ligne ici]
  • INSEE, « Population en 2019 – Recensement de la population – Base infracommunale (IRIS) », octobre 2022 [en ligne ici]

Par Anaëlle Cagnon, Kimberley Dusznyj, Sara Jardinier, Manon Morisse, Léa Petit Scalogna et Izia Rouviller