Pour bon nombre de futur·es étudiant·es bordelais·es, se loger dans la métropole relève du casse-tête. Saturé, le marché de l’immobilier fait mal au porte-monnaie. Est-il quand même possible, en 2023, de trouver un logement étudiant alliant loyer abordable et qualité de vie sur Bordeaux Métropole ? On vous guide dans les entrailles du parc locatif bordelais, entre bons plans et coins à éviter.
Pour les 104 275 étudiant·es de Bordeaux Métropole, trouver un logement à l’approche de la rentrée est un parcours semé d’embûches. Une expérience qu’a vécue Marion T., inscrite en licence d’anthropologie à l’Université de Bordeaux en 2018. “J’ai dû passer par Couchsurfing (plateforme proposant l’hébergement gratuit et temporaire chez un hôte, à l’occasion d’un voyage, ndlr). Je devais changer assez régulièrement d’hôte, et j’ai même dû aller dans un centre d’urgence pour les personnes sans domicile fixe”. Une situation alarmante, non sans impact sur sa vie scolaire : “En classe, j’étais tout le temps sur mon téléphone, sur l’application Leboncoin. J’actualisais continuellement la page. Dès qu’une annonce de logement était postée, j’appelais, mais il était déjà trop tard. Quelqu’un avait été plus rapide…”. Si elle a finalement réussi à voir le bout du tunnel en ayant la chance d’être, elle-aussi, la première à répondre à une annonce, le cas de Marion n’est pas isolé. Chaque année, une vague de nouveaux étudiant·es bordelais·es est confrontée au bourbier de l’immobilier. Est-il encore possible pour eux, en 2023, de trouver un logement alliant loyer abordable et critères de qualité de vie sur Bordeaux Métropole ?
L’ÉTAT DES LIEUX : OFFRE INSATISFAISANTE
Les étudiant·es peuvent rechercher des logements du côté de deux types d’offres : celles qui leur sont dédiées, et celles accessibles à tous·tes. Dans leur quête du graal immobilier, les freins sont pourtant nombreux.
Sur les communes des campus étudiants, des loyers qui explosent
Le prix du loyer est le premier d’entre eux. Depuis cinq ans, les coûts ont explosé à Bordeaux. Dans le classement réalisé par l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) en 2022, la ville occupe la sixième place au podium national de l’augmentation du coût du loyer. Si la tension est aussi forte, c’est aussi parce que la cohorte de nouveaux étudiant·es n’a pas faibli sur ce même laps de temps. Selon A’urba, “l’attractivité de l’agglomération bordelaise et le développement de son offre de formation ont fait exploser la démographie étudiante” avec “20 000 étudiants supplémentaires de 2011 à 2017 (source : rectorat)”. Face à cette arrivée massive, beaucoup d’écoles privées de commerce, de management et de mode ont fleuri dans la métropole bordelaise. Dernier exemple en date : le nouveau campus privé situé en bords de Garonne, inauguré en septembre 2022.
Le serpent finit par se mordre la queue : plus il y a de possibilités d’études, plus les étudiant·es sont attiré·es, et plus les prix des loyers risquent de gonfler ! Mais ont-ils augmenté de manière équivalente sur les 28 communes de la Métropole ? Beaucoup d’étudiant·es s’accordent à dire que le centre de Bordeaux est trop cher. Ils élargissent alors leur champ de recherche à des communes plus excentrées, réputées moins exigeantes en termes de loyers. “J’ai très rapidement changé de fusil d’épaule et étendu mes recherches sur les communes de Pessac et Gradignan, même si c’était loin de mon lieu d’étude”, s’est ainsi résignée Léa S., étudiante en sciences humaines. Or, les chiffres récupérés en avril 2023 par Le Figaro Immobilier auprès de Yanport, société leader sur le marché des données immobilières et spécialisée dans l’analyse d’annonces, ne sont pas aussi catégoriques. Certaines communes ont aussi vu le prix médian de leur loyer augmenter de manière exponentielle, jusqu’à atteindre les mêmes tranches de prix qu’à Bordeaux.
C’est le cas de Talence, où comme à Bordeaux, la flambée des prix du loyer médian atteint les 19 €/m2 (soit 437 € de loyer par mois pour un logement de 23 m2, hors charges comprises). C’est bien loin de la moyenne nationale, estimée par l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) à 9,38 €/m2 pour un appartement (soit 215 € de loyer par mois pour 23 m2, hors charges comprises). Malgré une augmentation moindre par rapport à celle de Bordeaux (+ 4€ par m² pour la première, contre + 5€ pour la seconde), Talence affiche donc un prix médian du loyer au mètre carré similaire, suivie de près par Pessac et Gradignan. Ces quatre communes abritent par ailleurs les campus étudiants les plus conséquents de la métropole : ceux de Victoire, de Peixotto, de Bastide et de Carreire pour l’Université de Bordeaux (UB), et celui de Montaigne pour l’Université Bordeaux Montaigne (UBM). Découragés, nombre d’étudiant·es se replient alors vers l’offre dédiée, notamment celle du CROUS.
Le CROUS, une offre dédiée mais saturée
Sur l’ensemble de Bordeaux Métropole, le CROUS propose 26 résidences étudiantes aux nouveaux arrivants.
Or, toujours selon le rapport de l’A’urba, le CROUS bordelais est “très largement saturé”. Un engorgement que confirme Kevin Dagneau, directeur de cabinet adjoint et chargé de mission Vie universitaire à l’Université Bordeaux Montaigne (UBM) : “Le CROUS n’est absolument pas en capacité de loger tous les étudiant·es dans le besoin. En conséquence, de plus en plus sont contraint·es de passer par le parc privé, qui est lui-même de moins en moins accessible à des publics en difficulté sociale.” Selon “L’enquête logement étudiant” réalisée par plusieurs établissements de l’enseignement supérieur en Nouvelle-Aquitaine, dont l’Université de Bordeaux et l’UBM, 72 % des étudiant·es de Bordeaux Métropole ont rencontré des difficultés pendant leur recherche de logement sur l’année universitaire 2021-2022. À défaut, c’est donc vers les appartements loués par un particulier ou les résidences privées que s’orientent leurs recherches.
PROSPECTION IMMOBILIÈRE : ENJEUX ÉTUDIANTS AUTANT QUE POLITIQUES
En cherchant du côté de l’offre privée, le filtre “prix” n’est pourtant pas le seul que souhaitent prendre en compte les étudiant·es. L’argent est certes le nerf de la guerre, mais pas au détriment d’une qualité de vie minimale.
La proximité avec le lieu d’études, un critère primordial
L’Observatoire de la vie étudiante (OVE) évalue celle-ci en fonction du parcours d’études et des conditions d’études, dont les conditions de déplacement et du logement. Si les étudiant·es sont prêt·es à sacrifier certains critères de confort, l’agence A’urba met en lumière les “deux critères sur lesquels les étudiant·es ne veulent ou ne peuvent pas transiger : la proximité au lieu d’étude et au centre et la desserte en transports en commun”. Les longs trajets en transports en commun finissent en effet par nuire au moral des étudiant·es. “Faire des heures de transport, on le supporte pendant un temps, puis très vite, on n’en peut plus !” s’exclame Léa S.
Pour venir en aide à ces étudiant·es, nous avons établi un visuel ludique. Il estime le temps de trajet moyen en voiture, mais aussi en transports en commun, partant de chacune des 28 communes de Bordeaux Métropole jusqu’aux dix campus universitaires principaux. Parmi eux : les campus de Montaigne-Montesquieu, de Victoire, de Carreire, de La Bastide, des Chartrons, des Bassins à flot, de Peixotto, de Kedge, de Villenave-d’Ornon, et enfin de Mérignac. De quoi répondre à vos interrogations, quelle que soit votre formation universitaire à la rentrée prochaine.
Imaginez : vous venez enfin d’être admis·e dans un campus de la capitale girondine. Malheureusement, une réponse défavorable du CROUS pour obtenir une chambre a atterri dans votre boîte mail. Vous désespérez de devoir faire des recherches longues et fastidieuses pour trouver LA commune idéale de Bordeaux Métropole, alliant un minimum de qualité de vie et un loyer abordable ? Nous en avons défini deux pour chaque campus universitaire.
Comment lire cette infographie ? Un exemple vaut mieux que de longues explications. Exemple : je vais étudier à la rentrée scolaire au campus Montaigne-Montesquieu et je viens d’acheter une voiture. Je dois arriver à 8h pour les cours. L’idéal serait d’emménager à Artigues-près-Bordeaux, qui présente un prix médian de l’immobilier bon marché (12.2 €/m²), et un trajet moyen pour se rendre au campus de 25 minutes. La commune de Villenave-d’Ornon est également envisageable. En 26 minutes environ, je suis à la faculté et c’est bon pour mon porte-monnaie (le prix médian étant de 12.4 €/m²) !
Que font les pouvoirs publics ?
La problématique du logement pour les étudiant·es à Bordeaux n’est pas nouvelle, puisqu’à chaque rentrée, la presse locale se fait l’écho de témoignages relatant cette “galère”. Baptiste Maurin, adjoint au Maire de Bordeaux et conseiller métropolitain délégué à la recherche, l’enseignement supérieur et la vie étudiante, estime qu’“il est intolérable qu’un·e étudiant·e se retrouve dans l’obligation d’abandonner ses études faute de logement. […] Nous devons donc agir pour que les étudiant·es puissent avoir des logements à proximité de leur lieu d’étude, et rattraper le retard sur notre territoire”. Quelles solutions prévoient donc de mettre en place les pouvoirs publics pour que l’offre puisse absorber cette demande grandissante ?
En 2020, Bordeaux Métropole a co-signé avec l’État, la Région Nouvelle-Aquitaine, le CROUS Bordeaux-Aquitaine et La Conférence Départementale des HLM de Gironde, le “Contrat d’objectifs et d’orientations pour le logement étudiant sur la métropole bordelaise 2020-2030”. Le but est d’atteindre un ratio de 12 places pour 100 étudiant·es en 2030 (contre 8,5 aujourd’hui), ce qui passe par la construction d’au moins 6 000 logements conventionnés supplémentaires, en suivant la cadence de 600 logements par an. Baptiste Maurin ajoute : “en priorité à proximité des transports en commun”. D’après ses dires, les logements étudiants sont désormais pris en compte dans les nouvelles opérations d’aménagement de Bordeaux Métropole : “La résidence Robert Picqué à Villenave-d’Ornon, Euratlantique, et les terrains de l’Université. Dans ces seules opérations, 3 500 logements étudiants conventionnés pourraient être programmés”.
Est-ce pour autant suffisant pour que les étudiant·es puissent espérer habiter près de leur lieu d’études, tout en ne finissant pas sur la paille ? Selon Iban Delavoie, militant à l’UNEF, “il n’y a pas réellement de plan ambitieux pour la construction de logements CROUS. On suit une logique de réponse à des urgences, plutôt qu’une réelle volonté de transformation répondant aux besoins des étudiant·es.” Selon ce dernier, les politiques publiques mises en place ne suffisent pas pour un service public comme le CROUS, “censé assurer un logement accessible à tous.tes les étudiant.es.”
Contacté, le CROUS de Bordeaux n’a pas réagi à nos sollicitations. Pour les étudiant·es comme pour les pouvoirs publics, le temps presse pourtant : d’après les projections de Bordeaux Métropole, iels seront 115 000 à rejoindre les bancs de l’université et les appartements bordelais en 2027.
Solutions alternatives : prix bas, contraintes élevées
Face au marasme ambiant des étudiant·es, des associations prennent le problème immobilier à bras-le-corps. Intermédiation locative, colocations à projets solidaires, dispositifs pour les étudiants réfugiés… Si des solutions arrangeantes et peu onéreuses existent dans la métropole, elles restent toutefois disparates et insuffisantes.
Avec ses cohabitations intergénérationnelles, l’association Vivre avec en fait partie. Depuis 2004, elle fait se rencontrer seniors et jeunes en formation sur Bordeaux et Libourne. “Depuis quelques années, le nombre de demandes augmente de façon très conséquente, surtout en période de rentrée scolaire, note Mme Bélando, coordinatrice de l’association. L’année dernière, j’ai reçu une centaine de dossiers, pour seulement 40 places. Certains étudiant·es me disent : “Vous êtes ma seule option. Sinon, je ne sais pas où j’irai.” En cohabitation, l’étudiant·e verse généralement une participation mensuelle au senior pour couvrir les frais en eau, en électricité et en chauffage. “Il ou elle s’engage également à partager des moments avec la personne âgée”, précise la coordinatrice. Car il s’agit bel et bien d’une cohabitation, et non d’une location. “Cette solution n’est pas adaptée à tout le monde : j’en ai connu qui préféraient dormir dans leur voiture ou dans un arrêt de bus plutôt que de vivre avec une personne âgée”, ajoute Mme Bélando.
Pour celles et ceux à qui cette alternative ne conviendrait pas, l’incontournable colocation étudiante fait toujours partie des solutions. Mais là encore, la concurrence est rude sur le marché privé. C’est pourquoi l’ACLEF (Association de coopération pour le logement des étudiant·es de France) a créé CoopColoc, un dispositif d’intermédiation locative qui intervient entre les locataires et des bailleurs sociaux afin de sécuriser les loyers et de simplifier les démarches locatives. Arrivée en 2020, l’association gère actuellement 37 logements pour 97 places sur les communes de Bordeaux, Talence, Gradignan et Mérignac. “En moyenne, nous proposons des chambres à 390 € charges comprises, hors électricité et avant APL. C’est grosso modo 30 % en dessous du prix du marché privé sur Bordeaux Métropole”, précise Anaïs Crêtaux, gestionnaire locative à l’ACLEF.
Ces loyers alléchants font saliver une foule d’étudiants : l’ACLEF reçoit environ 2 000 candidatures par an, pour moins d’une centaine de dossiers retenus. Pas de “visites collectives”, de “guerre des dossiers” ou de “mise en concurrence financière”, comme il est de coutume pour les agences immobilières : l’ACLEF tient à respecter une “politique du premier arrivé, premier servi”. Premier servi, oui, mais sous certaines conditions. Avoir moins de 30 ans, être étudiant ou assimilé et éligible au logement social sont les prérogatives nécessaires pour espérer décrocher un logement à l’ACLEF. Et, par la même, mettre fin à une quête bien souvent éprouvante.
Par Anaëlle Cagnon (@AnaelleCagnon), Kimberley Dusznyj (@kim_dusznyj), Sara Jardinier (@Sara_Jardinier), Manon Morisse (@manon_morisse), Léa Petit Scalogna (@LeaPetitSca) et Izia Rouviller (@izia_rouviller)